Salut à vous, chers camarades !
Vous vous en souvenez bien sûr de cette rentrée 56 ! Venant de tous les coins du département, des Trois Villes, du Sedanais, du Rethélois, du Vouzinois, du Plateau, de la « Valleye »… nous arrivions, bien décidés à embarquer pour une aventure - encore bien floue pourtant dans nos esprits. Fiers de cette sélection, nous l’étions !... Une promotion pour la plupart. C’était comme notre signature sur le rôle de ce grand bateau amarré quai Charcot, et le premier acte important de notre vie de potaches.
Très vite, nous avons choisi un nom de baptême à ce navire sur lequel nous allions naviguer durant quatre ans : ce serait « Emile Zola » ; il fallait bien le souffle de cette forte personnalité pour accompagner nos aspirations d’adolescents. Quelques années plus tard, nous aurions peut-être choisi « Les copains d’abord… », mais Tonton Georges ne nous avait pas encore suffisamment influencés et nous n’aurions quand même pas osé inscrire son nom sur notre bannière… L’auteur du « Gorille » ou de « Putain de toi », il ne fallait pas y songer ! Il y avait encore des limites en ce temps…
Puis nous avons appareillé, à la découverte d’un monde inconnu. Les années se sont enchainées, très vite, très riches en expériences diverses. Bizuths, puis 2ème année, 3ème année… Le ciment a vite pris entre les matelots devenus des copains, des « Nonors » ; un équipage, un clan avec son territoire, son bistrot en haut de la Grand’Rue où il ne fallait pas qu’un de « Chanzy » s’égare. Pas la guerre, non, mais entre les futurs instit’s – Hussards noirs de la République – et ceux qu’ils considéraient comme des bourgeois, pas de contact !
Arrive l’année 60. Et chacun doit quitter le navire pour mener sa propre chaloupe. Quand on a la chance d’avoir un poste pas trop loin, on se revoit. Puis les années filent et la brume du temps estompe peu à peu les amitiés… Pourtant, un jour, on se dit que ce serait chouette de se retrouver.
La première fois, c’est en 90, pour les 30 ans de la sortie. Emotion ! Enthousiasme ! C’est sûr, on remettra ça !
Mais les 40 ans passent et rien… On se réveille en 2006, les 50 ans cette fois, 50 ans après l’entrée ! Le « Zola » retrouve son ancrage quai Charcot. Il manque bien sûr quelques matelots à l’appel
…Quand l'un d'entre eux manquait à bord, c'est qu'il était mort.Oui, mais jamais au grand jamais, son trou dans l'eau ne se refermait…Le « Major » du bord, Gérard, a battu le rappel et bon nombre des copains sont revenus, de loin parfois, au côté des « Norines » qui sont évidemment de la fête. Sérieuse question posée par Gérard : « La promotion 56/60 bande-t-elle encore ? » Ca situe l’ambiance !... Certes la réponse ne sera pas formellement donnée. Mais la première appréhension des retrouvailles passée, les présents montrent une belle énergie et une franche joie de se retrouver, comme s’ils s’étaient quittés la veille. Et cette journée du 24 mai passe comme un rêve. Très surprenant ! Terriblement émouvant !
Cette fois, plus de doute, on se refait une fête pour les 50 ans de la sortie. Rendez-vous est pris pour 2010 !
Mais la vie a ses tempêtes et depuis, certains ont basculé par-dessus bord. Notre Major lui aussi a été brutalement flanqué à bas de la passerelle, emporté par une lame traitresse, et laissant ainsi l’équipage dans le désarroi…
Au moindre coup de Trafalgar, c'est l'amitié qui prenait le quart,c'est elle qui leur montrait le Nord, leur montrait le Nord…Heureusement il en reste toujours quelques uns pour tenir ferme la barre. Oui, c’est confirmé, on garde le cap et on accostera bien quai Charcot en 2010 !!! Et tous ensemble !
Alors pour porter l’appel, ces mutins de la détresse ne trouvent rien de mieux que de me repasser le porte-voix…
Je crie donc bien fort :
Tout le monde sur le pont ! On va le rouvrir, ce livre de bord ; et y retrouver, les bons moments de notre voyage. Il nous restera en plus toutes les pages du livre de bord de chacun à se raconter. Surtout, ce jour-là, pas la moindre trace de nostalgie dans le sac ! Mais, remontée du fond de cale, une pleine barrique de joie ! Et de la pure s’il vous plaît ! Du 50 ans d’âge ! Bien vieillie… et si douce à siroter ensemble
Allez, pour conclure, rien de mieux tourné que cette magnifique phrase de Gérard : « C’est du passé tout ça, diront les esprits chagrins. Faux ! C’est, l’espace d’un jour, un peu de légèreté. C’est le plein assuré de sourires, de rires et d’amitié avant de repartir « au jour la vie ». C’est nous, aujourd’hui »
Et comme lui,
« Je vous embrasse toutes et tous fidèlement et fraternellement »
Bernard Mouret, dit « l’Abbé »
