L'HISTOIRE DE L'E.N.G. par Robert Simon



PREFACE de Monsieur André LEBON
       Elle aura vécu un siècle et demi, notre Ecole Normale. Elle aura connu une Royauté, un Empire, quatre Républiques. Elle sera restée dans ce quartier de CHARLEVILLE dont Robert SIMON et ses collègues ont entrepris de retracer l'histoire qui témoigne de la vie d'un des plus vieux quartiers de la cité.
       Notre Ecole Normale, affranchie de la tutelle ecclésiastique de ses origines, a contribué avec bonheur à la réalisation de ce vaste programme scolaire marqué par l'oeuvre de Jules FERRY. Elle a formé des générations de Maîtres qui ont contribué à l'histoire de l'Ecole Laïque, école de la tolérance parce que ouverte à tous.
       Elle a eu la lourde tâche de doter les Ardennes de Maîtres Républicains et Laïques qui ont pendant des décades marqué la vie des Citoyens jusqu'au plus petit village de notre département.
        Elle a connu des aléas qui ont été les témoins d'une vie quotidienne où, "séminaire laïque", les  coups ne lui ont pas été ménagés, allant même jusqu 'à sa suppression par le régime de VICHY.
        Elle a su demeurer elle-même, fidèle à toutes les innovations de la pédagogie scolaire, promouvant pendant 150 ans l'évolution de l'enseignement public.
        Elle mérite vénération et respect. Dans des locaux qui ont abrité ses débuts, elle a su apporter à  ses bâtiments une structure moderne pour accueillir des promotions de normaliens y préparant leur  avenir avec le souci constant de concrétiser leur vocation.
        Elle disparaît après avoir, dans une ambiance de camaraderie entre ses élèves, adapté son  souci de répondre à l'évolution de la "Marche de la Vie" qui veut que l'Ecole Publique tienne une  place primordiale dans le destin du pays.
        Alors, nous pouvons remercier ceux qui se sont attachés, par leur travail et leurs recherches, à  maintenir le souffle de cette Ecole et de son Idéal.

                                        Vive notre Ecole Normale !

Mars 1991    
André LEBON
"PROMOTION 1926 -1929"






LA GESTATION DE L’ECOLE NORMALE DE GARCONS (1)
L'Ecole normale d'instituteurs de CHARLEVILLE s'est ouverte le 20 octobre 1831. Mais cette ouverture ne fut que l'aboutissement de longues années d'efforts et de négociations, précédés eux-mêmes de tentatives et de projets remontant à l'Empire, à la Révolution, voire à l'Ancien régime. Il n'est pas inutile, ni sans intérêt, de rappeler ces lointaines origines.
A- SOUS L'ANCIEN REGIME
Un projet d'Ecoles normales à RETHEL en l685.
Il s'agit d'un projet de fondation scolaire de Messire Armand Charles, Duc de MAZARIN. Le 20 août 1685, ce grand seigneur, neveu de MAZARIN, déclare vouloir, "fonder une communauté de dix-sept jeunes hommes pour être instruicts des fonctions de maistres d'escolles, et ensuite envoyés dans les bourgs et villages de son duché de MAZARIN et des autres terres lui appartenant, en tout ou en partie, suivant le choix qu'il en fera".
Le duc promettait en outre de faire pareil établissement pour "respandre des maistresses d'escolles dans toutes ses terres"
Mais le projet ne fut pas exécuté. Les supérieurs ecclésiastiques, dit l'acte d'annulation, "pour des raisons à eux connues, n'y avaient voulu entendre". On peut penser que l'institution projetée fut mal vue de l'Eglise à cause de son origine laïque et parce que le Duc de MAZARIN se réservait la nomination des maîtres d'école dans son domaine.
B- SOUS LA REVOLUTION
  Les deux grandes assemblées révolutionnaires, Constituante et surtout Convention, comprirent qu'un peuple désormais libre et souverain devait être instruit. En pleine tourmente intérieure et extérieure, les CONDORCET, BOUQUIER, ROMME, LEPELETIER-SAINT-FRAGEAU,  LAKANAL,  etc., élaborèrent des plans et projets qui ont inspiré et inspirent encore, en grande partie, notre oeuvre scolaire des 19ème  et 20ème  siècles.
C- SOUS NAPOLEON PREMIER
Napoléon 1er  utilisa largement les idées de la Convention, tout en les adaptant à ses fins particulières, quand il organisa son Université impériale par le décret du 17 mars 1808.  Le même décret prévoit seulement "auprès de chaque académie et dans l'intérieur des collèges ou des lycées, une ou plusieurs classes normales destinées à former des maîtres pour les Ecoles primaires. On y enseignera les méthodes les plus propres à perfectionner l'art de montrer à lire, à écrire et à chiffrer". Dès 1811, l'Ecole normale de Strasbourg fut fondée, grâce à l'initiative du Préfet LEZAY-MARNESIA et du Recteur LEVRAULT.
Le département des Ardennes avait alors pour Préfet le baron FRAIN. Il était rattaché à l'Académie de Metz, administrée par le Recteur DUQUESNOIS.
Enfin le collège de CHARLEVILLE, dont la transformation en lycée semblait imminente, avait pour Principal l'Abbé DELVINCOURT qui était en même temps supérieur du Séminaire.


LA GESTATION DE L’ECOLE NORMALE DE GARCONS (2)
En juin 1812, DELVINCOURT adresse au Préfet,  sous  le  titre"  Projet  de  création  d'une  Ecole normale d'instituteurs à CHARLEVILLE" un long et intéressant mémoire.
« ...Il faut avant tout que les instituteurs puissent bien apprendre pour bien enseigner, et c'est pourquoi il est indispensable d'établir dans le département une classe normale pour les maîtres d'école. Il se trouve dans les bâtiments du lycée, un local très propre pour l'établissement de cette nouvelle école... ». Le mémoire fait observer ensuite que les instituteurs se recrutent dans une classe sociale peu fortunée. Il propose en conséquence la création de "vingt à vingt-cinq places gratuites divisées en bourses ou en demi-bourses qui seront accordées d'après le plus ou moins de facultés que l'on reconnaîtra aux élèves..."
Ce mémoire, fortement appuyé par le Recteur DUQUESNOIS (lettre du 18 juin 1812), décida LE BARON FRAIN à demander au Conseil général la création d'une Ecole normale dans l'enceinte du collège de CHARLEVILLE. La proposition du Préfet fut adoptée à l'unanimité (23 mai 1813). Un crédit d'acompte de 3.000 francs fut voté aussitôt. La délibération de l'assemblée    départementale fut approuvée par le Ministre, mais l'invasion de 1814 et la chute de l'Empire empêchèrent la réalisation du projet.
D-SOUS LA RESTAURATION
Avec la Restauration, nous assistons à un nouveau recul des conceptions révolutionnaires en matière d'instruction.
Dans les Ardennes, la cause de l'Ecole normale perd du terrain. Le Conseil général vote une somme de 3 000 francs pour les premiers frais d'établissement d'une école "à la LANCASTRE" dans la ville de SEDAN. (Classes normales où des moniteurs bénévoles enseignent la méthode d'apprentissages mutuels).
Le 20 juin 1818 le Conseil général vote une somme de 8 000 francs "pour être employée à l’année suivante, un traitement de 1 800 francs est assuré au directeur d'une Ecole modèle et normale mutuelle" ouverte à MEZIERES. En 1824, le Conseil général décide d'envoyer 5 élèves instituteurs à l'Ecole normale de la MOSELLE. Mais ce projet se heurte à l'opposition de l'Archevêque de REIMS, qui trouve des "inconvénients à faire former les instituteurs hors de son diocèse".
Nous sommes en  1828. Un Ministère libéral, celui de MARTIGNAC, prend le pouvoir.
Le 2 mars 1829, le ministre de l'Instruction publique,  DE  VATIMESNIL,  demande  aux  préfets d'organiser les classes normales prévues par le décret de 1808. Dans les Ardennes, le préfet,  Baron de LASCOURS, s'empresse de répondre à l'invitation gouvernementale. Le Conseil général en délibère. Le 5 septembre 1829, le Conseil général émet simplement le voeu que des classes normales soient, par les soins du Préfet, ajoutées à l'un des collèges du département. Le collège choisi fut celui de CHARLEVILLE, et ce choix fut approuvé (29 novembre 1829) par le Comte de GUERNON-RANVILLE, Ministre de l'instruction publique et des affaires religieuses.

LA GESTATION DE L’ECOLE NORMALE DE GARCONS (3)
Un projet de règlement, élaboré par le préfet, M. de LASCOURS et l'Abbé NANQUETTE, principal du collège, est approuvé, par le Conseil royal de l'Instruction publique.
Le 7 juillet 1830, le Conseil municipal concède un local désaffecté du Séminaire.
Le 23 juillet 1830, le Préfet LASCOURS annonce le concours d'admission.
Trois jours plus tard éclate la Révolution : l'ouverture est reportée.
Le 15 janvier 1831, la nouvelle rédaction du règlement est approuvée par le Conseil royal.
L'ouverture effective de l'ECOLE NORMALE DE GARÇONS DE CHARLEVILLE aura lieu le 20 octobre 1831. Les enseignants sont des maîtres du Collège.

LA VIE A L’ECOLE NORMALE
A - L'ECOLE NORMALE  DE 1831 A 1848
Sous la Monarchie de Juillet, les Ecoles normales furent l'objet de la bienveillance et de la sollicitude du Pouvoir central. Le règlement du 14 décembre 1832 arrête les grandes lignes des Ecoles normales.
La loi du 28 juin 1833 (Loi Guizot) fait aux départements une obligation de les créer et de les entretenir. C'est donc dans une atmosphère favorable que l'Ecole normale de Charleville reçut ses premiers développements. Elle ne fut pas, d'abord, un établissement autonome. Elle se trouvait enfermée entre les bâtiments du Collège et ceux du Séminaire.
M. DEBRUN, principal du Collège, assuma la direction des études et l'administration, moyennant une indemnité annuelle de 400 francs. .M. MEILLER, professeur de classe élémentaire,  fut   chargé   de  la   sous direction,   de   la surveillance, ainsi que des enseignements ci-après: lecture, écriture, arithmétique, géométrie, arpentage, dessin linéaire. Il était le seul maître attaché exclusivement à l'Ecole normale. (Traitement, 600 fr., plus tard, 1200 francs.). M. HENNECART, professeur de rhétorique, enseignait la langue française, l'histoire, la géographie, la tenue des livres et la rédaction des actes de l'Etat civil. (Traitement, 300 francs.). M. LIES, ancien élève de l'Ecole normale de la Moselle, chargé de la classe primaire au Collège, assura le cours de pédagogie suivant le mode mutuel. (Traitement, 100 fr.). L'abbé Boucaumont, supérieur du Séminaire, remplissait les fonctions d'aumônier et donnait l'instruction morale et religieuse. (Traitement, 100 francs.). Enfin, M. ABRAHAM enseignait le chant.(Traitement, 100 francs.)
 On voit combien était modique la rétribution de chacun de ces professeurs. Il fallut que le Recteur de l'Académie de METZ insistât pour faire prévoir en leur faveur, sinon des traitements, du moins des indemnités équitables.
M. DEBRUN resta Principal du Collège et Directeur de l'Ecole normale de 1831 à 1835. Il fut remplacé, en cette double qualité, par M. HENNECART, en mai 1835. Ce dernier abandonne le Principalat pour se consacrer uniquement à "son Ecole normale".


LA VIE DE  L’ECOLE NORMALE DE GARCONS (2)
      La loi GUIZOT envisageait d'ailleurs des Ecoles normales indépendantes et non plus seulement de simples Classes normales
Séparée du Collège, l'Ecole normale continua longtemps encore à mêler sa  vie à celle du Séminaire voisin. Les successeurs de l'Abbé BOUCAUMONT cumulèrent comme lui les fonctions de Supérieur du Séminaire  et  d'Aumônier  de  l'Ecole normale.
La commission de surveillance jugea même indispensable de fournir aux normaliens, surplis et soutanelles pour remplir leur rôle en chantant au "lutrin" du séminaire.
Les normaliens boursiers contractaient  l'engagement  de  se  vouer pendant dix ans à la fonction d'instituteur mais étaient dispensés de service militaire. De nombreux élèves non boursiers quittaient l'enseignement pour des fonctions plus lucratives dans le commerce et l'industrie du Département.
On peut lire, dans la presse et les rapports divers des commissions, l'éloge de la qualité de l'Ecole et des instituteurs formés.
Le besoin d'une Ecole annexe se fait pressant. Les normaliens étaient témoins, à l'Ecole des Frères, de la pratique de l'enseignement mutuel et simultané, mais sans y prendre part. Le 1er octobre 1840 s'ouvre enfin une Ecole annexe dans les locaux déjà trop étroits de l'Ecole normale. Le premier directeur, M. ROYER, chargé aussi de la surveillance intérieure, fera prospérer l'Ecole qui sera bien vite recherchée par les "meilleures familles de la ville".
Parmi ses premiers élèves : M. TIRMAN, qui sera sénateur et gouverneur d'Algérie.
B - L'ECOLE NORMALE  de 1848 à 1871
La chute de la monarchie de juillet et l'établissement d'une République issue du suffrage universel, pouvaient laisser espérer l'avènement d'une ère de prospérité pour l'Enseignement et les Ecoles normales.
En 1848, Hennecart, le Directeur, rapporte que les "élèves ne se sont nullement ressentis des commotions qui ont tout agité autour d'eux. Leurs habitudes de subordination n'ont point été interrompues."...
"Car en effet, une violente réaction s'est produite contre les idées libérales et la loi Guizot : accusés de fauteurs de troubles, les instituteurs doivent être replacés dans l'étroite dépendance des Curés. »
Le 15 mars 1850, la LOI FALLOUX essaie hypocritement d'entraver le recrutement des instituteurs: on n'ose pas supprimer les Ecoles normales, mais elles ne sont plus un passage obligé pour être instituteur.
C'est la première tentative des Politiques au pouvoir pour abattre les Ecoles normales qui, après 150 ans de gestation, n'ont encore que 19 ans de vie.

LA VIE DE  L’ECOLE NORMALE DE GARCONS (3)
Dans les Ardennes, le Conseil académique (de 1850 à 1854), refuse la création de "maison de stagiaires" et le Conseil général décide de conserver son Ecole normale. On établira même en 1851, le cours de 3ème année. Mais en 1852, les professeurs devaient "jurer obéissance à la Constitution et fidélité au Président".
En 1853, ce sera à l'Empereur...
Malgré  des  améliorations  successives,  et agrandissements en 1833 et 1840, le Directeur rapporte les mauvaises conditions de vie matérielle: manque de lumière, de volume, de surface, de chauffage... l'état de santé des Normaliens les plus anciens est inquiétant. Le règlement intérieur approuvé le 22 février 1854 par le Conseil impérial de l'instruction publique et des cultes et signé "FORTOUL", fait de l' ECOLE NORMALE UN COUVENT LAÏQUE. Ce règlement laissera des traces de sa rigueur jusqu'aux années 1960, malgré la volonté de plusieurs directeurs de l'adoucir.
 M. CURELY, directeur de 1888 à 1904 et auteur d'une excellente monographie manuscrite sur l' E.N.G. dont j’ai conservé une copie, dit à ce propos :
"Pendant que les programmes réduits aux notions  les  plus  élémentaires  semblaient faits  pour s'opposer au libre épanouissement des esprits, une discipline autoritaire,  coercitive, claustrale pour mieux dire, venait contraindre la volonté au lieu de former les caractères."
En 1858, M. MANSION, directeur, ramena les élèves dans un dortoir aménagé au 1er étage, de plafond plus élevé. L’ inspection  générale exige l'ouverture de nouvelles fenêtres (1861) nécessaires à l’assainissement des locaux. L'année suivante, les travaux sont exécutés, avec construction d'une marquise et acquisition d'un jardin. En 1864, M. MEILLER prend sa retraite après 33 ans passés au service de l'Ecole normale, remplacé par M. JADOT, ancien élève.
Le ministère DURUY, libéral, engage une période de réformes fécondes pour l'E.N.G. : création d'activités (météo), de cours nouveaux (administration  communale,  agronomie,  industrie,  hygiène, dessin  d'imitation,  gymnastique),  et  création  de postes pour alléger les charges des professeurs.

Service Hebdomadaire en 1861-62


Classe
Surveillance
total
Le directeur de l’E.N.G.
18

18
Le 1er maître adjoint
17,25
34,5
51,75
Le 2ème maître adjoint
18,5
33,5
51
Le directeur de l’Annexe
30,5
22,75
53,25



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LA VIE DE  L’ECOLE NORMALE DE GARCONS (4)
C - L'ECOLE NORMALE DE 1870 à 1914
1870, travaux de surélévation du dortoir et c'est la guerre...Le 7 septembre 1870, la rentrée se fait avec peu d'élèves.
Le 1er Janvier 1871, un obus tiré du Bois Fortant tombe sur l'Ecole et éclate en salle d'étude : tous les élèves présents sont blessés dont un gravement.
Le 25 janvier 1871, la rentrée est effective. Le professeur de dessin, M. BLANCHARD, avait péri avec toute sa famille sous le bombardement et dans l'incendie de sa maison à Mézières.
1873. I. CARRE appelé à l'Inspection académique des Ardennes de concert avec le Recteur FLEURY engage une importante réforme du français.
A l'Ecole est créé un cours de littérature (Corneille, Bossuet, Massillon ...), assuré par un professeur du collège jusqu'en 1881, M. CHANAL puis par M. LAHAYE.
1874. l'Ecole annexe devient Ecole communale laïque et gratuite après convention passée entre la Ville et l' E.N.G. (cette convention est annulée en 1881)

Le manque d'Instituteurs (déjà ???) : l'Ecole normale ne fournit qu'à peine 50 % des besoins en instituteurs tant se développent les écoles communales.
On ne trouve même plus suffisamment d'instituteurs non formés et l'on doit engager des gens non brevetés.
Il est urgent d’agrandir l’Ecole normale pour recruter au moins 25 élèves par année.
L'Ecole normale récupère en partie les bâtiments du Collège. Un logement fut construit.
En 1880, les communications avec le Séminaire prennent fin, après 50 années de relations.
L'Ecole assistera aux offices dans la chapelle du Lycée.
Le Séminaire et l'E.N.G. se partagent donc l'ancienne Ecole centrale de Charleville.
Le décret du 29 juillet 1881 réorganise les plans d'Etudes des Ecoles Normales, ainsi s'ouvre pour Elles, une grande période de prospérité.


LA VIE DE  L’ECOLE NORMALE DE GARCONS (5)

DANS UNE ECOLE NORMALE EN 1890 : LE TROUSSEAU
Prix en francs
2 paires de draps de 3x2        6,00
12 chemises :                          2,00
3 plastrons pour le jeudi         4,50
3 cravates de soie noire           3,00
8 serviettes de toilettes          12,00
8 serviettes de table
12 mouchoirs de poche            6,00
3 bonnets de nuit                     3,00
12 p. de bas ou chaussettes    18,00
(6 en laine - 6 en coton)
2 gilets de tricot                     8,00
3 caleçons de coton                 0,90
1 caleçon de bain                   1,00
1 sac de toile pour linge sale  2,00
2 paires de souliers neufs        23,00
1 paire de sabots de jardin     1,50
1 paire de chaussons               1,50
avec semelles de cuir
1 brosse à habits                     1,50
1 brosse à cheveux                 1,50
1 brosse à dents                      0,75
2 brosses à chaussures            2,25
1 peigne                                   0,25
1 parapluie en alpaga               6,00
1 verre ou timbale                   0,75
1 couteau, une cuillère            0,65
1 fourchette
1 pantalon en drap foncé       20,00
1 gilet                                     10,00
1 redingote                             50,00
1 casquette d'uniforme             6,00
1 veston d'hiver                      25,00
1 veston d'été                         12,00
2 paires de gants                     4,00
1 pardessus (facultatif)          36,00
On note le nombre et la qualité croissants des candidats au concours de recrutement (56 pour 20 places en 1876).
Le 19 juin 1876, le Conseil Général autorise l'installation du Collège dans les anciens haras (actuel Lycée Chanzy),  et
On y crée l'enseignement scientifique, et manuel et technique, et l'on organise l'enseignement des  Langues  (un cours  d'Allemand facultatif payant était en place depuis 1868 à l'E.N.G.)
1884, création d'un Cours complémentaire à l'Ecole annexe.
 A partir de 1890, crise du recrutement !!! : le nombre de candidats n'atteint pas toujours le nombre de places offertes. Il faut comprendre que l'essor industriel offre des carrières lucratives aux bons élèves et s'ouvre largement aux scientifiques (les problèmes de recrutement des années 1970 n’étaient donc pas nouveaux, malgré des différences de contexte socio-économique?).
En 1914, l'Ecole normale d'instituteurs de Charleville fonctionnait d'une manière à peu près satisfaisante. Mais son installation matérielle laissait fort à désirer et réclamait de plus en plus une transformation radicale. Les  élèves étaient partis  en vacances le 25 juillet et le concours d'admission avait pris fin le 30. M. PERRIN dirige l'Ecole et M. QUILLATRE, l'Annexe. C'est alors qu'éclata la guerre, qui devait suspendre la vie de l'Etablissement pendant cinq ans.


Monsieur Cattier

LA VIE DE  L’ECOLE NORMALE DE GARCONS (6)
    LA GUERRE
Le samedi 1er août, le capitaine des douanes vint réquisitionner les locaux et bâtiments de l’Ecole pour le lundi 3. Le 7 août on logea 10 officiers. Le 8, le Docteur Hennecart vint annoncer qu'une ambulance allait être installée dans l'Ecole. Le 10 août, le Docteur Bourgeois annonce l'installation d'un hôpital pour contagieux.
Le 25, à 6 heures du matin, un commandant d'artillerie prétendait installer un canon dans le jardin de l'Ecole Normale d'institutrices, un autre voulait abattre la statue de Charles de Gonzague, susceptible de gêner le tir de ses pièces. A midi et 20 minutes, le pont de Montcy Saint-Pierre sautait. Le conseil municipal se réunit en urgence et décida de faire évacuer la population civile.
La ville fût occupée sans effusion de sang et l'Ecole qui devait devenir hôpital français, devint en fait écurie allemande, avec granges, manège et maréchalerie. Les jardins devinrent basse-cour et les hautes tables d'étude furent transformées en cabanes à lapins.
Les professeurs furent dispersés :
M. BESTEL (sciences) à VIRE, M. BOUCHON (mathématiques) à l'E.N. de ST-LO transférée à CARENTAN, M. CHARFF (lettres) à SENS, M. SAUVAGEOT (histoire) à MAMERS, M. QUILLATRE (annexe à VARZY) et  M. PERRIN (directeur) en LOZERE (inspection   primaire).

Les Elèves, mobilisés, payèrent un lourd tribut à la patrie : mobilisés: 300 ; tués: 79 ; blessés: 93.
 166 citations, dont 15 médaillés militaires et 35 Chevaliers de la Légion d'honneur

Morts pour la France en 14-18
promo
1892   BRICHET Jacques - 1896   BRIQUET Jules - 1897   LEROUX Jules - 1897   MONTARGOT Georges - 1899   BIGOT Fortune - 1899   BLONCART Charles - 1899   MARTINI Eugène - 1900   AVELANGE Emile - 1900   SAINTMONT Emile - 1900   KEIP René - 1901   BAUGET Orner - 1901   BOUTILLE Albert - 1901   BROSSE Emile - 1901   CHARLOTTEAU Georges  1901 -  FOSSIER Julien - 1901   MINET Paul - 1902   ALEXANDRE Jules - 1902   BALTEAUX Pol - 1902   TREZAIN Vital - 1903   COLIN Léon - 1903   NOAILLES Albert -1903   PINÇON Joseph - 1904   HILAIRE  Fernand - 1904   LIANCE Alfred - 1904   MEURIS Raymond - 1905   BARBAZON Gaston - 1905   BLONDIN Paul  1905   HAUSSLIEN Marcel - 1905   HUET Georges - 1905   PINÇON Paul - 1905   STEVENIN Hervé  1906 - RENDIT Lucien - 1906 THILLOIS Auguste - 1907 DOMINE René - 1907 KEIP Emile - 1907 LUCE Louis - 1907 MIRAT André - 1908 BRICHET Edmond - 1908 JUNG Jules - 1908 LAMBERT Auguste - 1908 LEROY Robert - 1908 LEVIGNERON Edouard - 1909 BRASSEUR Jules - 1909 FAVRY Louis - 1909 GILLET James - 1909 HULOT Jean  - 1909 JACQUEMART Jules - 1909 MANTEAU Octave - 1909 MICHAUX Albert - 1909 SAINGERS Albert - 1910 COFFIN Fernand - 1910 DANDRIMONT Jules - 1910 DEBANT Paul - 1910 DIDIER Lucien - 1910 LIVERNAUX René - 1910 THEODORE Léon - 1911 BONTANT Alexandre - 1911 HUSSON Georges - 1911  JAISSON Gabriel - 1911 MORELLE Auguste - 1911 NAUTRE Henri - 1912 CHAPAN Marcel - 1912 VIOT Louis - 1913 BAILLET Léon - 1913 JEANJOT Hervé - 1913 STEVENIN Julien - 1914 LESEINPERE Robert - 1914 RICHARD André

LA VIE DE  L’ECOLE NORMALE DE GARCONS (7)
  Après la guerre, la remise en état provisoire fut longue et la rentrée du 9 novembre 1919 ne se fit qu'avec 20 admis en juillet et 10 élèves de 2ème  année venus d'autres E.N. Les classes primaires ont été confiées à des femmes non préparées à ce métier et l'on manque d'instituteurs : il faut attendre 1923 pour obtenir les moyens financiers de recruter 25 élèves par promotion ; mais alors l'Ecole est trop petite.

LA FETE DU CENTENAIRE DE L'ECOLE NORMALE DE CHARLEVILLE
Extrait du discours de Mario Roustan :
« Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d'avoir commencé ma visite par cet arrêt de quelques instants, devant le monument consacré aux instituteurs des Ardennes tombés au champ d'honneur.
Vous avez bien fait, Messieurs.
Puis ça a été cette promenade familière dans une ville qu'il me semblait reconnaître, entouré d'amitiés qui me sont chères, parcourant des rues qu'il me semblait avoir vu autrefois, retrouvant quelque chose qu'on m'avait dit être analogue à la place des Vosges, et qui est peut-être quelque chose de mieux et  nous sommes ici, dans cette école dont nous célébrons le centenaire.
Ah ! Messieurs, que de souvenirs désormais ne disparaîtront plus de ma mémoire. Et puis, j'ai écouté avec attention, avec émotion les deux discours qui viennent d'être prononcés.
J'ai songé au passé glorieux de cette école, aux services éminents qu'elle a rendus et que je connaissais déjà avant de venir, car on avait bien insisté auprès de moi sur cette idée que j'allais dans un département qui au point de vue scolaire avait fait le plus remarquable et le plus admirable effort.
       Je savais tout le dévouement des instituteurs... »
Le 3 mai 1931, l'ECOLE NORMALE fête son centenaire, sous la présidence Mario ROUSTAN, ministre de l'instruction publique. M. SCAMARONI est préfet des Ardennes, Lucien HUBERT président du Conseil général, Meunier et Philippoteaux sont sénateurs, Boutet, Courtehoux, Ledoux et Leguet sont députés, Chatelet est Recteur à LILLE, Charvet est Inspecteur d'Académie.
A la gare, une compagnie et la musique du 91ème R.I. accueillent, avec les élus,  notre ministre qui se rend au monument des instituteurs morts pour la France.
M. PERRIN, directeur, dépose la palme de bronze, et Etienne LAURENT, major de 3ème année lit une allocution. Le Colonel BRUSSAUX dirigeait la cérémonie. A l'Ecole, l'orchestre dirigé par M. LEPINE interprète la Marseillaise. Suivront les évocations historiques par M. PERRIN, le long discours du Ministre et le banquet au cours duquel chacun ira de son allocution, avec remise de nombreuses décorations et citations. La fête s'achèvera au théâtre par une matinée artistique donnée par les Normaliens.


 LA VIE DE  L’ECOLE NORMALE DE GARCONS (8)
Appel d’André LEBON

En 1933, Monsieur André LEBON lance un appel aux Anciens normaliens, manifestant sa volonté de créer une Association amicale des anciens Elèves de l'Ecole normale de Charleville.
"La vieille Ecole va disparaître. Dans quelques jours, les travaux de construction de nouveaux locaux vont commencer. Afin de ne pas laisser s'effacer le souvenir  de  l'Ecole  centenaire  et pour  assurer une continuité..."
Le 11 janvier 1934, un comité provisoire décide de fixer au 1er mars à 10 heures, l'Assemblée générale constitutive.
Elle sera présidée par M. PERRIN et animée par A. LEBON. M. 0. BOURGUIGNON sera élu président et rappellera les menaces qui pèsent sur les Ecoles normales et l'objectif premier de l'Amicale qui est de les défendre.
Le 16 avril 1934, M. Octave BOURGUIGNON, premier président  de  l'Association,  dépose  les  statuts  en Préfecture. On compte 288 adhérents.
En Mai 1934 paraît le premier bulletin de l'Amicale, André  LEBON  en est  le  directeur de publication.

Remarque :
Une Association Amicale des Instituteurs et Institutrices Laïques des Ardennes avait été créée en 1900. Son bulletin n°74 de mars 1920, relate que le Président était M. Manquillet, directeur d’école à Charleville. On y trouve la liste de 102 instituteurs ardennais morts pour la France en 1914-18, et la liste de centaines de blessés. Tous n’étaient pas normaliens évidemment.

L’association comptait au moins un délégué par canton et le bulletin faisait le point sur les nouveaux textes de lois concernant la fonction  et les salaires des instituteurs et institutrices du secteur public.

CREATION DE L’AMICALE DES ANCIENS ELEVES

Réunion du Conseil d’Administration du 1er mars 1934
Le C.A. s'est réuni aussitôt l'Assemblée générale.
Le bureau d'âge est ainsi constitué :
Président : M. Périn (promotion 1878)
Secrétaire : M. Lebon (promotion 1920)
Etaient présents :
MM. Bourguignon, Lebon, Fouquet, Couturier, Rémy, Périn, Lépine, Lassaux, Manceau, Landart, Delrue, Botté, Vaillant, Bienfait, Darbour.
Excusés :
MM. Rigaux, Lefèvre, Blanchemanche.

Bureau de l'Amicale
A l'unanimité, le Bureau est ainsi composé :
Président : M. Bourguignon, professeur à l'E.N.; Vice-Présidents : MM. Lefèvre, de Charleville; Blanchemanche, secrétaire de l'Office des P.N.;
Secrétaire : M. Manceau, professeur à l'E.N.;
Secrétaire adjoint : M. Couturier, directeur d'Ecole à Nouzonville;
Trésorier : M. Lebon, instituteur à Charleville, C.C. Nancy 177-72; Trésorier, adjoint : M. Botté, instituteur à Charleville.
M. Bourguignon remercie le C.A. et assure l'Amicale de son dévouement.
Réunions du C.A.
Après échanges de vues, il est décidé que les réunions auront lieu le jeudi, tantôt le matin, tantôt l'après-midi.
Dépenses
L’achat d’enveloppes et de papier à lettre est décidé.
Membre d'honneur
Le C.A. décide de proposer à la prochaine Assemblée générale la nomination de M. Cattier, directeur de l'E.N., comme membre d'honneur.
La séance est levée à 12 heures 30.
Le Secrétaire de séance, LEBON.

Une réunion du Conseil d'Administration  du 11 Avril 1935 établit le premier rapport financier.
Recettes :  289 membres actifs à 10 F soit .2890 F, 2 dons de 50 F soit 100F et 1 membre  honoraire à10 F
Total : 3000 F
Dépenses : Imprimés  393, 25 F, Envois .317, 90F,  Formules de mandats 42 F, Lettres  17, 50 F
Total : 770, 35 F
En caisse : 2.229, 65 F


LA RECONSTRUCTION DE L’ECOLE NORMALE (1)
Le 25 juin 1930, M. PERRIN, dans un rapport à l’Inspecteur d’Académie,  signale qu'il ne peut accueillir les promotions de 30 élèves nécessaires à notre Département.
 « On pourrait  externer le contingent excédant 80 élèves contre rétribution réglementaire... On pourrait réaménager les locaux... réduire la salle d'histoire... désaffecter le laboratoire... procéder à l'acquisition  de  mobilier...".
  L' Architecte départemental trouve ces solutions coûteuses et hasardeuses à cause de l'état de vétusté... un écroulement serait à craindre... La solution radicale est avancée : la reconstruction complète de l'Ecole.
Le 10 janvier 1931, Le Conseil d'Administration de l'Ecole, présidé par l'Inspecteur d'Académie, demande au Conseil Général de voter le principe de la reconstruction, de faire l'acquisition de la maison Mesmin au 22 du Quai, ou des immeubles de la rue de Lorraine compris entre les jardins et la rue d'Aubilly, et enfin de charger l'Architecte départemental d'établir les plans et devis.
Le 17 mai 1932, en séance, M. Cyrille MEUNIER, ancien élève, Conseiller général, fait un historique des bâtiments et  demande  le  vote  du principe de la reconstruction pour une somme de 4 à 5 millions dont 50% en   subvention  d'Etat.  Maurice    VOIRIN,    ancien élève, relate l'urgence de   cette décision. Projet voté à l'unanimité, l'emprunt sera réalisé par  tranches  après  adoption  du programme détaillé.
Le 29 juin 1932, M. LE MASSON, architecte, présente les plans de l'Ecole : Une piscine est même prévue en sous-sol à côté des douches...Le gouvernement, par souci d'économies budgétaires, ajourne le projet.
Le 16 octobre 1932, la Ligue des Droits de l'Homme et du Citoyen, présidée par le citoyen DANLOY, ancien élève , et en présence de monsieur  J. BOZZI, Maire, proteste contre les réductions de postes en primaire, l’ajournement de la reconstruction de l’E.N.G, et  rappelle qu'on ne doit  pas  recruter  les Elèves-maîtres en fonction des capacités de l'E.N.G mais en fonction des besoins du Département.
1933, le conseil général réalise les emprunts et l'Etat s'engage à subventionner la reconstruction 50%. Le projet est rectifié à la baisse... pas de piscine, pas de pavillon pour le Directeur, pas de bâtiment B, la vieille salle d'études est conservée, elle deviendra salle des fêtes et la chapelle sera le gymnase.
Le 1er janvier 1934, début des travaux : c'est autour des vieux bâtiments, dans les jardins, que s'élèvent les nouveaux. Les travaux sont bien menés, à un rythme accéléré et le 7 octobre 1935, un article de presse signé Decoursier nous informe que les normaliens ont pris possession de leurs confortables, vastes et lumineux locaux en pierre de St-Laurent, briques de Mohon et ardoises de Rimogne, M. LE MASSON n'ayant pas cédé à la mode américaine dont s'étaient hélas inspirés les maîtres d'oeuvre du Collège de Jeunes Filles et de l'Hôtel des postes.




  LA GUERRE (1)

En 1935, les bruits de bottes se font entendre et André LEBON, et ses amis politiques, reçu au ministère, fait part de son inquiétude au sujet du projet de remplacement des E.N. par des Instituts de formation pédagogique. (Ministère LAVAL, ministre MONZIC).
Léon BLUM écartera ce projet.
(Curieusement, sous la pression de Mitterand, en 1989, Jospin créera les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres, ?)
1939, départ en vacances des normaliens
Ils avaient quatorze ou quinze ans en 1936, à l'avènement du Front populaire qu’ils avaient vécu avec espoirs.
En juillet 1938, trente garçons des Cours Complémentaires et des Ecoles Primaires sont reçus au concours d'entrée à l'Ecole Normale des Garçons de Charleville.
La promotion 1938-1941 devait connaître la guerre, l'exode, l'armistice de juin 1940, le Gouvernement de Vichy, l'occupation et le démantèlement des Ecoles Normales.
Le 3 septembre, c'est la déclaration de guerre. La rentrée scolaire est fixée au 16 octobre 1939. On délivre un sauf-conduit aux Normaliens pour qu’ils rejoignent par leurs « propres moyens »,  l'Ecole Normale des Deux-Sèvres à Parthenay.
18 Septembre 1940, dissolution des Ecoles Normales. On lit dans "Paris-soir" sous le titre:   Leur maintien eût été anormal :
 « Depuis des lustres, ces internats, où les disciplines étaient catéchisées en commun et en... communisme, étaient devenues les centres les plus agissants du collectivisme. Et aussi de l'anticléricalisme... on ne passe plus, le Maréchal PETAIN ne l'a pas voulu. »
On lit  dans l'Oeuvre du 6 octobre 1940.  " Les Ecoles Normales ont un bel enterrement" ???

RENTREE A PARTHENAY (1)
Par Louis MAILLIOT
La rentrée de l'Ecole Normale fixée au 16 octobre 1939 sera retardée d'une semaine. Les uns et les autres arrivent à Parthenay le dimanche 22 et le lundi 23 octobre.
Fernand Cattier, le directeur nous y a précédé. Son homologue des Deux-Sèvres est mobilisé mais nous reviendra dans quelques jours.
« Réfugiés » notre nouveau titre, à l'Ecole, en ville, dans les conversations, dans la considération... et sur notre courrier.
.Les bâtiments de notre nouvelle Ecole Normale ont un petit air provincial, bien discret, à côté du monument à la mémoire des instituteurs disparus durant la "Grande Guerre". Ces bâtiments n'ont pas été prévus pour accueillir six promotions. Nous allons perturber la vie de nos collègues. La situation matérielle et morale sera même parfois mal vécue, mais Normaliens des Ardennes et Normaliens des Deux-Sèvres nouent très vite de bons rapports qui aujourd'hui encore maintiennent des liens solides.
 Premier cours le mardi 24 octobre. Pour nous, deuxième année, géographie. Chacun pense à Henri Manceau mobilisé. Sa présence va nous manquer lourdement.  Nous avons Octave Bourguignon et Marcel Rigaux qui assurent la continuité, mais la guerre est sur nous, partout, sans cesse dans nos pensées. Nous sommes avides de nouvelles, et les moyens d'information sont loin d'être ce qu'ils sont aujourd'hui. Les Normaliens des Deux-Sèvres, logés en ville, nous tiennent au courant. Le "Communiqué" publié chaque jour est vraiment succinct et laconique. Il laisse chacun sur sa soif de savoir.
 C'est par bribes que nous apprendrons l'entrée au Danemark et en Norvège des armées allemandes. (« La route de fer est coupée »), la rencontre d'Hitler et Mussolini au Brenner, l'ouverture à Paris du procès des quarante-quatre députés communistes, coupables d'être communistes.
 RENTREE A PARTHENAY (2)
Pendant un cours, ou à la place d'un cours, Marcel Rigaux nous relate les escarmouches dans la Sarre ou le combat aérien au-dessous de Maubeuge. "Neuf avions B... descendus, mais oui n'est-ce-pas !..' Une autre fois ce sera le combat naval dans la baie de Montevideo suivi du sabordage du Graf von Spree. Mais, à chaque fois, l'occasion sera bonne pour préciser un détail de ce célèbre match de foot, pendant la guerre de 1914-1918, sur l'île de Jôgny, qui opposa « les Allemands  et les petits Français si sous-alimentés que la peau de leurs mollets claquait au vent comme des drapeaux ». Il ne fallait surtout pas rire, même pas sourire.
 Les officiers polonais offrent des friandises aux enfants du préventorium de Belleville eux aussi réfugiés ici, un autre jour, nos jeunes musiciens iront renforcer l'harmonie municipale pour accueillir dignement le Général SIKORSY venu inspecter les troupes.
 Tant bien que mal, les cours seront assurés. Certains de ceux qui nous ont en charge sont vraiment à la hauteur, d'autres sont incapables d'assumer la situation.
 Notre économe, Léonce Jarry est remarquable. Chacun se souvient de son air bougon qui cachait mal l'affection qu'il nous portait.  Avec lui, pour un temps encore, nous ignorerons les restrictions alimentaires malgré la mise en place des « cartes de pain » dès le 1er mars 1940.
 Tous les jeudis à la caserne de Parthenay,  séance de PMS , (Préparation Militaire... Supérieure), les Normaliens en treillis, un sergent moustachu, beau spécimen de la territoriale, un adjudant au faîte de la carrière et un lieutenant, culottes de cheval, badine armoriée, nom qui se devine, incapable de distinguer un val d'une crête sur la carte d'Etat-Major !
Un jour, le professeur d'agriculture nous emmène au marché aux oies blanches. Cela nous change des transports de bûches et fagots qui tiennent parfois lieu de cours. Le professeur de lettres s'inquiète de nos imprudences en composition française. Lire "Ton corps est à Toi", correspondre, via la Suisse, avec un étudiant tchèque, peuvent amener quelques désagréments.
Chaque soir, (ou presque) dans la salle des fêtes qui nous sert de dortoir ce sera le grand défoulement- Chahut, chansons, histoire, expéditions de toute nature, maintiendront le moral de cette promotion. Il y avait vingt-deux ans que Fernand Cattier n'avait pas vu cela (Allez comprendre !...) et son collègue parthenaisien nous soupçonnait même d'avoir introduit des puces dans son établissement.

RENTREE A PARTHENAY (3)
Le courrier, celui des Ardennes notamment est visité par l'autorité militaire. Une bande blanche avec force cachets le signale et au lieu de la lettre attendue, il est arrivé à nos parents de recevoir un billet « d’Anastasie » signalant « votre fils se porte bien, mais sa lettre a été saisie pour mauvais esprit et indiscrétion… »
A Noël, puis à Pâques, nombreux ceux qui préparent le retour dans les Ardennes. Il faut obtenir un sauf-conduit, essayer de décrocher un « bon de transport » à tarif réduit. Le voyage sera toujours une expédition: retard des trains, attentes dans des gares encombrées, wagons bondés inconfortables...
Pour les vacances de la Pentecôte (quelques jours à partir du 11 mai) interdiction de rentrer dans les Ardennes. Quelques-uns pourtant réunissent en secret les documents indispensables et une promesse écrite de possibilité d'hébergement par un correspondant relativement proche.
Mais, le vendredi 10 mai dans la matinée, un surveillant vient interrompre notre leçon de gymnastique. Les deux directeurs réunissent à la hâte les six promotions. Nous apprenons l'offensive, le matin même, sur la Hollande et la Belgique ainsi que les raids aériens sur les villes françaises.
A l'Ecole, tout va changer. Les cours sont peut-être assurés, mais ce n'est plus notre souci. Des nouvelles tout d'abord, la T.S.F. et "Paris Soir" nous renseignent. On procède à des exercices d'alerte à la cave. On creuse des tranchées sur le terrain.
Des trains de réfugiés arrivent nuit et jour à la gare. Le plan d'évacuation fonctionne. Parthenay est un centre répartiteur entre les villages et les bourgs voisins. Les Normaliens se transforment en secouristes d'accueil.  Gendarmes, Dames de bonnes oeuvres en brassard. Polonais, tout le monde est sur le quai. Nous vivions des journées harassantes par la fatigue physique mais éprouvantes par le dramatique des rencontres, des situations, des témoignages.
Ces journées de mai  «  Je n'oublierai jamais les lilas ni les roses...' »,  puis  de juin, laissent à chacun des souvenirs douloureux. Nos camarades plus âgés mobilisés les uns après les autres, nos parents sur les routes, et partout la misère des familles dispersées, apeurées, éprouvées.
 On aurait dû passer épreuves et examens de fin d'année alors que les Allemands passent la Loire. Le directeur larmoyant, effondré, est incapable de la moindre initiative. Dans le désordre le plus complet, chaque élève, seul ou avec un petit groupe, va lui-même prendre en mains son destin.                                      Louis MAILLIOT, 1989


APRES LA GUERRE (1)


BAUDART GASTON - BAURIN Gilbert - BIENFAIT Jean - BODSON George - BORGNIET Emile - CARTELET Pierre - COLAS Raymond - COUPAYE Jean - DACHY Jean - DRUART Serge - ELOY  - Jean - HENON Maurice - HOME Robert - HUGUEVILLE Maurice - LENEL Charles - LHERBIER   -  - MALAISE Armand - MARCHAL Robert - MEUNIER Gaston - MEYER Marcel - MONBRUN René - NIVOIX Louis - PAQUOT André - PELTRIAUX Albert - PIETOT Francis - PIROTTE Raymond - POINSIGNON Daniel - POQUET André - PULTIERE René - VALET Robert - WESSE Robert
Après l'occupation et les lois de VICHY, l'avenir des E.N. est incertain et c'est H. MANCEAU, aidé par A. LEBON qui organise une rentrée tardive mais effective en novembre 1945.
En 1945, M. JACQUEMIER arrive à l'E.N.F dont il ouvre les portes...
1946, les E.N. sont rétablies, Julien HUSSON est directeur de l'E.N.G. et Roger ANCELET est économe.
En 1949, Jean POINTUD est directeur, assisté de MANCEAU, JOLLY, HUART, LEPINE, DETREY, BENOIT, RAULIN, BRION.
En 1951, M. GRANDGEORGES est directeur : autoritaire, laïque à l'excès au dire de certains... : "qui n'avait pas lu Sartre n'était pas digne d'être normalien..."
15 janvier 1953, inauguration de la plaque aux Anciens Elèves morts pour la France, sous la présidence du recteur de LILLE et en présence des familles.
1956 : M. CLISANT est directeur : ardent défenseur, et critique acerbe à la fois, de l'Etoile de Charleville alors à son apogée.
Défenseur des E.N. et paternaliste avec ses élèves. Il obtient l'extension de l'E.N.G. sur l'Ecole annexe, l'extension du réfectoire et l'acquisition de l'îlot insalubre de la rue de Lorraine pour la construction de l'Annexe actuelle.
1958 H. MANCEAU commente à ses élèves, avec passion, l'expédition de SUEZ, puis l'avènement de DE GAULLE et les événements d'Algérie: on apprend la mort de Jean Claude  STOLTZ en Kabylie, élève de la 52-56, trompettiste de l'orchestre, et sous-lieutenant de réserve.
DANLOY ( promo 1952-56) périra aussi à Alger.
1960, suppression des sursis pour les instituteurs sortants de la 56-60 et départ pour l'Algérie.
M. CLISANT a eu la sagesse de faire passer les CA.P.  en fin de 4ème Année, afin que les normaliens soient titularisés pendant leur service national, prévu pour 27 mois. (ce qui fut assez rare dans les autres départements).

 APRES LA GUERRE (2)
Il faut noter que nous sommes rentrés en décembre 1962, sans poste et sans couverture sociale, n’ayant pas 3 bulletins de salaires à présenter à la M.G.E.N et l’Armée nous ayant rayés de ses effectifs !!!
1969, M. SAVARY est directeur. La formation professionnelle est portée à 2 ans.
 1969, création du Centre Académique de formation des maîtres de la Voie III, dirigé par Serge MARCHAL (promo 1953-57)  auquel succédera Jean HENRION comme directeur du Centre Régional de technologie.
Un  Gymnase sera construit à l’emplacement de la salle des fêtes (salle d’études avant 1935) et le bâtiment de l'ancienne Annexe sera réhaussé.
Le 19 décembre1974, décès du Directeur, M. SAVARY. Une forte délégation se rendra près de Bayeux pour ses obsèques.
Le 15 septembre 1975, fusion des deux Ecoles Normales : M. JOLLY, ancien élève, ancien professeur et inspecteur, est nommé directeur de l'Ecole Normale Mixte des Ardennes.
Bernard  MUTELET, ancien élève, promo 1957-61, lui est attaché comme inspecteur professeur.  (Il sera ensuite Directeur de l'E.N. de DOUAI, puis Directeur de l'E.N.N.A. du Nord).
M. JOLLY y laissera l'empreinte de sa culture, de son humour, de sa confiance en ses Professeurs et en l'Homme, de son ouverture d'esprit et... de sa nostalgie de l'E.N. des années 50 dans laquelle  « Culture et Education populaire n'étaient pas de vains mots. »
On assiste alors à une période dynamique d'innovations locales dans la formation, mais, qui verra la fin du recrutement initial (entrée en seconde au lycée avec bourses) et une succession de réformes de la formation. L’Ecole Normale sera-t-elle encore longtemps accessible aux enfants des ouvriers ?
En 1979-1980, la formation professionnelle est portée à 3 ans sous contrôle de 1'U.E.R., puis ce sera le recrutement au niveau DEUG... avec de lourdes charges pour les familles à faibles revenus.
1980, Mlle VIAL est Directrice de l'E.N Mixte et  Monsieur André JOLLY a pris sa retraite, pour partager son temps entre sa maison familiale de Raillicourt et l’appartement de  Mézières, et pour se consacrer à sa passion : la création de mots croisés. Hélas, « Alzheimer » ne lui permettra pas de fréquenter bien longtemps les assemblées générales des Anciens.
1986,  M.  DELAHAYE  est  Directeur  de l'E.N. Mixte,  Mlle VIAL faisant valoir ses droits à la retraite.




LES I.U.F.M.

1989, Jospin crée les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (appellation qui choquera bien des Anciens, mais, seule solution peut-être pour la revalorisation des salaires des instituteurs qui seront intégrés progressivement dans le nouveau corps des Professeurs des Ecoles sortant des I.U.F.M. ?)

M. DELAHAYE, dernier Directeur, de l'E.N. Mixte. des Ardennes va transmettre à l'I.U.F.M. un outil de travail performant. Il développe les activités pédagogiques, les ouvertures sur les secteurs économiques publics et privés et sur l'Europe, favorisant le rayonnement du serveur télématique FALEN, célébrant magistralement le bicentenaire de la Révolution, l'Année CONDORCET, l'Europe de J. MONNET.
Il rétablit la tradition du "Baptême de promotion"...
Il rappelle que c'est l'Ecole Normale qui a une longue expérience de la formation des maîtres, du service public, de la laïcité et des droits de l'homme, que c'est par l'Ecole Normale que depuis 160 ans, des enfants du Peuple ont accédé aux plus hautes fonctions.
M. DELAHAYE ne souhaite pas devenir directeur de l’antenne IUFM, il est nommé Inspecteur d'Académie à Strasbourg, et...
RENTREE 1990, L'ECOLE NORMALE DE CHARLEVILLE A VECU.
2007 : on parle déjà d’une réforme des I.U.F.M. qui ne donneraient pas satisfaction ???


DEVENIR DES BATIMENTS
Le Conseil Général envisage le regroupement de ses services dans l'ex- E. N. G. ? Il faut donc construire un I.U.F.M.
Le centre I.U.F.M. de Charleville-Mézières s'est installé au mois de janvier 99 au Pôle de Haute Technologie Moulin-Leblanc. Ce Pôle de Haute Technologie regroupe géographiquement plusieurs établissements d'enseignement supérieur ainsi qu'un centre régional d'innovation et de transfert de technologies (C.R.I.T.T.).
I.F.T.S. (Institut de Formation Technique Supérieure)
Les activités de l'I.F.T.S. sont axées sur le génie des matériaux. L'I.F.T.S. délivre différents diplômes universitaires de Bac+2 à Bac+5.
I.U.T. Département G.A.C.O. Délocalisé à Charleville-Mézières, ce département G.A.C.O. (Gestion Administrative et Commerciale des PME/PMI) fait partie de l'I.U.T. Léonard de Vinci de Reims. I.U.T Département G.D.I (Génie de la Distribution Industrielle)
C.R.I.T.T. (Centre Régional d'Innovation et de Transfert de Technologie)
Le C.R.I.T.T. de Charleville-Mézières est spécialisé dans l'étude des matériaux, des dépôts et des traitements de surfaces notamment dans les domaines suivants : Forge, Médical, Fonderie, Mécanique, Agro-Alimentaire, Industrie Verrière, Armement, Nucléaire, Aéronautique, Automobile, Aérospatiale...

Un accord entre le chef lieu et le Département envisageait le transfert du collège Jean Macé à l’E.N.F. , ce qui aurait permis l’extension de la M.J.C. Gambetta et de l’Ecole nationale de musique et de danse. Le collège Rimbaud serait restructuré.
Les résultats des élections municipales vont perturber ces projets.
Le collège Jean Macé est restructuré, le département vend l’E.N.F. à un promoteur immobilier, le Collège Rimbaud est transféré à l’E.N.G. et la Ville lance le projet de création de la médiathèque (début des travaux en 2006) sur l’emplacement du collège Rimbaud ( créé en 1971), emplacement qui fut: Couvent des Sépulcrines (1623-1792), Ecole centrale des Ardennes (1792-1802), Institution de jeunes filles avec retour des Sépulcrines (1828-1905, séparation de l’Eglise et de l’Etat), Ecole supérieure de Jeunes Filles (1905-1935), Ecole pratique de Jeunes Filles (1935-1943), Collège Technique de Jeunes Filles (1943-1961), Lycée Technique et Moderne de Jeunes Filles (1961-1971) .
2007 : l’E.N.G. restructurée intérieurement est un beau collège, l’annexe garçon destinées aux associations.
l’E.N.F et l’annexe filles sont honteusement à l’abandon, comme les appartements de fonction.
Le bâtiment en béton du collège de jeunes filles a été rasé en 2005 et les restes du couvent des Sépulcrines seront intégrés à la médiathèque qui est en construction.
L’Ecole du Petit Bois est occupée par l’Institut International de la Marionnette.
P.S. : Etant un historien très amateur, je demande à mon éminent Major, Gérard Gayot, et à mes camarades de promotion, de m’accorder toute leur indulgence, comme ils le firent pour leurs élèves durant leur longue carrière d’enseignant.
Robert SIMON